Du Raz de Sein au Canal des Saintes
Je suis arrivé hier en fin d'après-midi, après 21 jours de traversée, en faisant comme il se doit le tour de la Guadeloupe au ralenti par la cote sous le vent, manière heureuse de retrouver la terre, le monde calmement, respirer des odeurs, dévorer des yeux la végétation tropicale inondée des bruines qui tombent des nuages accrochés aux mornes; à la Soufrière, puis tourner a gauche; enfourner le canal des Saintes qui comme le Raz m'a accueilli par des grains successifs qui m'auront obligé a louvoyer, réduire puis renvoyer avant la dernière ligne droite vers Pointe a Pitre, puis la darse, et l'accueil enthousiastes et émouvants des Douarnenistes, des Guadeloupéens, le premier ty'punch tant attendu...
De la performance sportive, j'ai finalement bien sauvé les meubles, avec un gennaker déchiré au sortir de la Manche, mon anémomètre en vrac, mes deux spinnakers explosés sans trop d'explication la dernière semaine, toutes mes voiles de portant qui m'auront manqué pour profiter des surs tant attendus et pour gratter les quelques places que je convoitaient quand même, et finir 29ème ce qui assez Finistérien; somme toute!
Et cette Route, cerise sur le gâteau de mon projet de poésie en mer m'aura comblé pour la beauté toujours renouvelée de ces journées en mer, de ces nuits de plus en plus claires avec une lune montante pour devenir pleine a mon arrivée, pour tous les messages de soutien que j'ai reçu jours après jours, conscient que je partageais avec tous la magie de cette Route, la chance de pouvoir être là à ce moment de ma vie, de pouvoir vivre un de ces rêves que je portais en moi depuis longtemps. Et les mots, les dessins, les poèmes de tous ces enfants -et des plus grands?-a qui peut-être j'ai donné envie d'avoir des rêves justement et d'essayer de les assouvir, tout cela m'aura porté dans les moments gais où tout allait bien et ceux plus difficiles où je cherchais mon chemin maladroitement parfois pour sortir de cette situation complexe dans l'Atlantique, comme vous l'avez compris à ma trajectoire parfois erratique, malgré les problèmes techniques.
Mais Perros n'aime pas le grand monde, j'aurais du le prévoir et comme il a refusé de se montrer au Cap Fréhel, il n'a pas voulu se montrer aux Antilles; il est à l'infirmerie, on lui fera reprendre l'air après sa convalescence, je le lui ai promis.
Et ensuite? Il faudra continuer l'histoire, chercher maintenant des partenaires pour parler encore de poésie, de la Ville de Douarnenez, de mer et d'évasion salée, les courses au Large ne manquent pas, vous pouvez me faire confiance! J'ai déjà quelques idées...
Mais d'abord les contingences matérielles, laver, ranger, rapatrier le bateau en cargo jusqu'à Lorient début Décembre avant de le soigner de ses plaies à Douarnenez, puis écrire avec vous la suite; je compte aussi sur vous que je remercie encore de m'avoir permis de faire de cette course en solitaire une aventure commune.
Kenavo